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L’acces a la terre, pour la femme rurale en DRC

fr_particleUN-Habitat DRC Country Team / Covadonga Murias, Minova, Sud Kivu (DR Congo) / 25.02.2014

<< Chez nous, la femme rurale n’a pas de valeur: elle n’a pas le droit a l’heritage, elle s’efforce aux travaux dans les champs mais les recettes generees sont gerees par les hommes qui ne demandent pas l’avis de leur epouse sur quoi faire avec ce qu’elle a produit dans les champs >> explique Emilie Matembera representante de la synergie des associations feminines du Territoire de Kalehe, une plateforme active dans la promotion des droits des femmes, notamment pour l’acces a la terre.

Nee dans la foulee de la Journee Internationale de la Femme du 8 mars 2013, la synergie des associations feminines du Territoire de Kalehe a pris forme suite a une serie d’ateliers organises par UN-Habitat sur la gestion alternative des conflits fonciers et l’acces de la femme a la terre. << Apres plusieurs seances de sensibilisation pour la resolution pacifique des conflits fonciers, on a senti qu’il y avait un grand besoin d’adresser la question d’acces a la terre des femmes >>, explique Dady Mutemba, mediatrice d’UN-Habitat a Sud Kivu. Pour Madame Matembera, cette synergie, qui a abouti a la signature d’un acte d’engagement entre les associations feminines, permet de reunir les femmes << comme une seule personne pour defendre nos droits >>.

L’acces a la terre et aux ressources naturelles est indispensable pour la survivance d’une grande partie de la population a l’Est de la RDC, hommes et femmes confondus. Pourtant, la coutume continue de jouer un role important dans la fixation des regles d’acces et de jouissance des droits fonciers, en discriminant les femmes et en les exposant aux situations d’extreme vulnerabilite.

L’identification des pratiques coutumieres en matiere de gestion de terre demontre que les proverbes et les chants contiennent des messages discriminatoires a l’egard de la femme et de la jeune fille. L’un des proverbes indique que la femme n’a pas le droit d’acceder aux instances de decisions, c’est-a-dire chez le Mwami (‘Omukazi arhaja ukubwami’…) ou qu’elle est incapable de gerer la terre (‘Omukazi arhakula’…) ou qu’elle ne peut adresser une demande de terre aupres du Mwami (‘Omukazi arhaja ukubwami’…) .

En effet, plus de 80% des terres sont toujours sous le regime du droit coutumier et des pratiques locales en RDC . Les mesures legislatives et reglementaire mises en place dans le domaine foncier n’ont pas affecte l’autorite des chefs coutumiers. A l’evidence, beaucoup de regles coutumieres surtout dans les provinces de l’Est, consacrent une gestion patrilineaire de la terre dans laquelle la femme a un role mineur a jouer. Dans un tel systeme, les droits d’acces de la femme restent subordonnes a celui de l’homme qui est charge de lui reaffecter une parcelle de terre sans un reel droit d’appropriation.

Le fleau de la violence sexuelle.

De plus, les decennies de violence en RDC ont exacerbe la vulnerabilite des femmes en ce qui concerne leur acces a la terre. Les nombreux deplacements de populations, qui touchent en majorite les femmes et les enfants, s’accompagnent de la perte de droit de jouissance et d’usage sur la terre et par consequent, de moyens de subsistance. A la ‘masculinisation’ de la gestion fonciere, les pratiques discriminatoires envers les femmes dans le droit foncier et l’absence de terre agricole en raison de la pression demographique, il faut egalement ajouter l’insecurite engendree par la presence des groupes armes et le fleau des violences sexuelles faites aux femmes.

C’est le cas de Michelle Bandungu (pseudonyme pour garder l’anonymat), membre de l’Association des personnes desheritees unies pour le developpement, une des structures qui fait partie de la Synergie. Agee d’a peine 20 ans, elle raconte comment elle a ete violee par des hommes armes a proximite de sa maison et ensuite rejetee par sa famille suite a son viol. Elle travaille maintenant dans l’association qui l’a aide, en gardant les enfants. << Dans l’associations nous aidons les femmes victimes de violences sexuelles et traumatisees par la guerre, aussi que les enfants nes des viols ou orphelines>>, explique. L’association met a disposition de femmes victimes de violences sexuelles une parcelle de terre dans un champ communal, où les femmes peuvent cultiver et ainsi assurer un moyen de subsistance et retrouver leur fierte. Le champ communal où elles cultivent << le manioc, le maïs, la pomme de terre et le haricot >> est devenu son unique outil de subsistance.

Conscientes du role qu’elles doivent jouer dans la pacification et le developpement de leur territoire, les femmes membres de la synergie ont decide de s’engager pour une meilleure prise en compte de leurs interets. Un plan d’action pour le premier semestre 2014 vient d’etre elabore. La plus part des activites vont s’inscrire dans l’objectif de sensibiliser sur le droit d’acces de la femme congolaise a la terre et a l’heritage. Elles ont ete deja formees par des mediateurs fonciers d’UN-Habitat et ses partenaires au Sud Kivu et elles se sont organisees en sous-antennes reparties dans l’ensemble du territoire.

Selon Emilie Matembera, adresser la question fonciere permettrait de changer positivement la situation des femmes rurales en RDC: << Il ne faut pas oublier que c’est la femme qui travaille les champs et que la femme rural vit de l’agriculture ; si elle est privee de l’agriculture, si elle n’a plus la terre, elle ne peut pas repondre aux besoins de sa famille. Le foncier devient donc capital >>.

Legende de la photo: Seance de formation des femmes leaders des associations feminines en Territoire de Kalehe (Sud Kivu) organisee par UN-Habitat a Minova (UN-Habitat DRC).